đŸŒ± Semences d’écriture

Des mots qui poussent seuls, comme les fleurs au bord du chemin

Il y a des Ă©critures qu’on laboure, qu’on structure, qu’on travaille.
Et il y a celles qui germent toutes seules, Ă  la marge.
Un mot, une image, un souffle. Pas de logique. Juste une direction : l’intĂ©rieur.

Ces textes ne cherchent pas Ă  expliquer.
Ils sont lĂ  pour faire ressentir.
Comme un courant d’air frais dans une piĂšce fermĂ©e.

Bienvenue dans ce jardin d’échos.


✍ Texte 1 – Quand je marche sans penser

Quand je marche sans penser,
le monde me parle en gestes minuscules.
Une pierre que mon pied évite,
une feuille qui tombe devant moi comme un rappel doux :
tu n’as rien Ă  faire, juste Ă  ĂȘtre lĂ .

Je me rends compte que je respire mieux
quand je ne m’en rends pas compte.
Et que le sol me porte toujours,
mĂȘme quand je doute de moi.

Le vent ne demande pas si je vais bien.
Il passe, il caresse, il emporte.
Et moi, je laisse faire.


Texte 2 — Ce que savent les herbes folles

Elles ne demandent rien.
Ni place, ni permission.
Elles poussent lĂ  oĂč les autres passent,
lĂ  oĂč la main n’intervient plus,
lĂ  oĂč le vent oublie parfois de souffler.

Elles s’invitent dans les fissures,
dans les creux du bitume,
sur les marches des maisons qu’on a quittĂ©es.

Elles ne savent pas lire les panneaux.
Ni « Interdit », ni « À vendre ».
Elles vivent.
Sans discours, sans CV, sans autorisation préalable.
Elles vivent. C’est tout.


Un jour, je me suis demandé si moi aussi,
j’aurais le courage de pousser sans plan.
De fleurir sans public.
D’exister sans validation.

Les herbes folles m’ont rĂ©pondu sans parler :
par leur patience.
par leur audace tranquille.
par leur maniĂšre d’ĂȘtre lĂ , mĂȘme quand on ne regarde pas.


Et j’ai compris :
ce qu’on appelle “mauvaises herbes”,
ce sont peut-ĂȘtre les Ăąmes libres du monde vĂ©gĂ©tal.
Celles qui se fichent des rangées bien droites,
des potagers bien sages,
et de nos rĂȘves trop rectilignes.


🌿 Aujourd’hui, je choisis de pousser de travers.
LĂ  oĂč mon cƓur me dĂ©pose.
MĂȘme si personne n’arrose.
MĂȘme si ça dĂ©borde un peu.


Texte 3 — La chaise vide

Il y a, sous le noisetier, une chaise oubliée.
Un peu bancale.
Le bois a grisé avec le temps, les vis rouillent doucement.
Personne ne s’y est assis depuis longtemps —
et pourtant, elle continue d’attendre.

Je la regarde souvent sans m’asseoir.
Peut-ĂȘtre parce qu’elle n’attend pas moi.
Peut-ĂȘtre qu’elle garde la trace d’un silence ancien.
Peut-ĂȘtre qu’elle sait quelque chose que j’ai oubliĂ©.


Parfois, le matin, une ombre tombe pile dessus.
Comme un souvenir qui prend forme.
Une absence qui pÚse léger.

Elle n’a pas besoin d’ĂȘtre utile.
Elle est.
Et c’est assez.


Il y a des chaises dans nos vies.
Des chaises vides, partout :
celles oĂč s’asseyaient ceux qu’on aimait.
Celles qu’on rĂ©servait pour “plus tard”.
Celles qu’on n’a jamais osĂ© tirer.

Et si on les laissait là, sans culpabilité ?
Juste comme elles sont.
Témoins discrets. Offrande au vent.


🌿 La chaise vide n’est pas un manque.
C’est une place offerte.
Une mémoire ouverte.
Un espace pour que la vie y revienne, si elle veut.


Texte 4 — Le bol Ă©brĂ©chĂ©

Il est lĂ , au fond du buffet.
Blanc, avec un fin liseré bleu ciel.
Une petite Ă©brĂ©chure sur le bord — comme une cicatrice tranquille.
Personne ne le choisit plus. Trop risquĂ©. Trop vieux. Trop… bancal.

Mais moi, je l’aime.

Parce qu’il a contenu tant de choses simples :
du café noir un matin de doute,
un bouillon chaud les jours de fiĂšvre,
du silence partagé à deux mains.


On dit qu’il faut jeter ce qui est fendu.
Mais ce bol, il tient encore debout.
Il ne fuit pas. Il recueille. Il accueille.
MĂȘme cabossĂ©.

Et si c’était ça, la vraie soliditĂ© ?
Savoir tenir, mĂȘme fĂȘlĂ©.


Je pense à nos cƓurs pareils.
ÉbrĂ©chĂ©s par les annĂ©es, par les sĂ©parations, par les renoncements doux.
Mais encore capables d’aimer,
encore capables de contenir la chaleur.


🌿 Je veux vivre comme ce bol.
Pas parfait, mais fidĂšle.
Pas intact, mais habité.
Offrant tout ce qu’il peut, mĂȘme si le bord est Ă©brĂ©chĂ©.